Laissez-vous aspirer dans un univers hallucinant...
Extrait du chapitre V
e premier samedi d’avril, il faisait encore froid. Le chérubin scintillait d’une coiffe de soie givrée, verdoré de lichen sous les ramilles engourdies. Percluse de rêverie, je gagnai la cuisine où ma belle-mère essuyait la vaisselle du déjeuner entre l’évier et le comptoir.
― J’vous r’servirai l’mouton ceu soir âvec des pommes deu terre â l’huile.
― Je voudrais vraiment redevenir stricte sur l’alimentation. N’avez-vous pas de légumes ?
― Mai-ais… Vous f’rez çâ plus tâârd.
― J’insiste. Je suis décidée à retrouver une silhouette mince et mus-clée. C’est d’abord une question de santé.
― Maês non, vous f’rez rien d’tout çâ. Vous âvez vieilli.
― A trente-deux ans ? Ha ha ha ! C’est mon rêve, un point c’est tout.
― Ouai, ben c’est pâs ceului d’tout l’mon-onde.
Le jugement tomba, comme une douche astringente :
― C’est pâs lâ peine d’vous fâtiguer. V’z-êtes moche et grôôsse, et quand on est moche et grôôsse on le raeste.
L’hydre de la jalousie venait de surgir de son repaire. Gorgone s’était jetée sur mon visage et attendait, cramponnée, une réaction de sa proie médusée. Jamais exsangue phrase n’exerça-t-elle autant d’impact depuis longtemps ! Je me secouai lentement, allongeai trois pas vers la porte, et me retournai. La lueur d’un regard épieur giclait, tapie dans la pénombre de persiennes mi-closes. Cette fixité froide, jouisseuse, tendue sur sa cible, d’un rat prêt à la morsure, perçait les fentes palpébrales. Si j’avais défié ce regard, j’eusse été pétrifiée.
A cette lueur-là, je compris.
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